mardi 22 mai 2012

la culture normale

Au moment même où je lis dans le Manifeste des Arts Visuels,  15 revendications pour les arts graphiques et plastiques (1), publié et diffusé récemment par la Maison des artistes  “[l’exigence] que L’Etat en finisse avec le système oligarchique qui utilise démesurément des fonds publics pour de grandes opérations de pure communication ne bénéficiant qu’à quelques artistes”,  j’apprends que le nouveau Président se montre et parle de beauté au vernissage de Daniel Buren, un des plus grands artistes officiels devant l’Eternel.
Quoi de plus normal, pour un Président normal, que de poursuivre tranquillement l’officialisation d’un certain art ? Changement, disiez-vous ? C’est mal parti. Pourtant, on avait envie d’y croire.
Au moment même où, poursuivant ma lecture du Manifeste, je parcours la quatrième revendication (“faire respecter les obligations sociales et fiscales”), je reçois un mail de l’AnCRE, une structure locale de par chez moi, dépendant de l’Action culturelle Municipale d’Angers, se présentant comme “mission info-ressources pour la valorisation du secteur culturel et créatif en Maine-et-Loire”. J’osais espérer qu’une telle structure allait tout naturellement, pour défendre et valoriser le statut des artistes visuels, relayer par exemple l’information concernant l’obligation qu’ils ont de s’identifier auprès de la MdA(2) dès lors qu’ils font un acte commercial, donc dès qu’ils affichent des prix de vente. De même serait nécessaire d’informer les diffuseurs (tous organisateurs d’expositions, même s’il s’agit d’associations) pour qu’ils se mettent en accord avec les textes existants.  Car chacun, artiste ou diffuseur, doit sa part de contribution sociale.   Valoriser “l’ensemble des activités et des emplois générés par ce secteur”, n’est-ce pas aussi défendre les droits des artistes, et informer le milieu créatif de ces fameuses obligations ?  Or, sauf erreur (j’aimerais tant faire une erreur), sur le site de l’AnCRE, aucune trace de cette information. On trouve tout juste un lien avec la MdA.
Mais qui es-tu, toi qui te permets de donner des leçons ? vont me répondre sans aucun doute certains lecteurs.
Je ne suis pas grand chose, simplement un peintre de tous les jours (pas seulement du dimanche ou du samedi) qui ne trouve sa respiration que dans son atelier. Qui donc a besoin de défendre ses droits et ceux des autres peintres qui, comme lui, ne peuvent vivre que devant leur toile. Un petit peintre de province qui pense qu’il serait plus normal de la part de l’Etat et des institutions officielles de veiller d’abord au respect du statut de l’artiste  avant de subventionner à tout crin. Une des premières mesures indispensables ne serait-elle pas de contraindre les diffuseurs et les artistes, avant toute monstration (terme emprunté au petit lexique de l’art contemporain, que je me propose de rédiger un jour, mais que je ne ferai sans doute jamais parce que j’ai trop de toiles qui m’attendent à l’atelier —j’ai grand besoin de respirer) à ne pas jouer les ignorants devant les textes existants?
Je relis la phrase précédente, longue, digressive, et me rends compte qu’elle évoque plusieurs énervements successifs autant que simultanés :
-certaines structures (trop) ou institutions ne font pas leur travail.
-certains diffuseurs (trop) ignorent plus ou moins volontairement le statut de l’artiste professionnel et investi et favorisent une concurrence déloyale.
-certains artistes font de même.
-suis écartelé entre  travail personnel et défense de mon métier, qui n’est en réalité pas un métier. Quoi faire de ce temps contradictoire? Attention de ne pas perdre l’équilibre.
-envie d’adhérer pleinement au Manifeste de la MdA et pourtant,  gêné aux entournures par certaines revendications réclamant trop d’aides (ateliers, lieux d’expositions, etc.) à l’Etat.
Au moment où je termine la lecture des 15 revendications, l’enjeu évoqué lors d’une récente visite au Mac/Val(3) par la toute  nouvelle Ministre de la Culture Normale me paraît très mal posé : car s’il s’agit bien de rendre la culture accessible à tous, la véritable question est : “quelle culture ?”.
Buren figure bien sûr dans la collection du Mac/Val.

(1) On peut consulter ce document ICI 
(2) Maison des Artistes
(3) Musée d’Art Contemporain du Val de Marne

lundi 21 mai 2012

Modigliani, Soutine, et les autres

Des affiches plein le métro, plein les bus, plein Paris. On annonce une exposition Modigliani et Soutine, sous-titrée “l’aventure de Montparnasse”. La Pinacothèque de Paris met les petits plats dans  les grands pour sa communication à la limite du mensonge. L’affiche est très réussie, prometteuse,  un beau portrait, détail d’une toile de Modigliani.  Et ça marche. On entend partout :
Il y a une expo Modigliani et Soutine à Paris, tu l’as vue ?
Ah ! Modigliani, j’adore. Et Soutine ! Ah!
Etc.
Oui, il y a bien dans cette exposition quelques Modigliani,  quelques Soutine, mais il y a aussi et ça, personne ne nous le dit, des piètres Valadon (un pléonasme), des Utrillo comme s’il en pleuvait, banal paysagiste dont tellement d’œuvres sentent la “toile à rendre”, la peinture à la manivelle... Et puis tous les autres, qui font finalement l’essentiel du contenu des salles tarabiscotées de la Pinacothèque, et ne sont qu’un ramassis de croûtes dignes des pires salons de peinture de nos beaux villages français... Le plus trompeur dans cette histoire c’est d’une part la présentation de l’exposition sur le site de la Pinacothèque, qui parle d’“artistes formidables”, d’“ensemble d’œuvres étourdissantes de beauté”, des “œuvres jamais exposées”, etc. (c’est vrai, j’ai été étourdi par la “fillette en bleu” de Modigliani, mais je l’avais déjà vue au Luxembourg il y a quelques années…), et d’autre part les panneaux explicatifs répartis tout au long du parcours de l’exposition (dans des recoins mal agencés, ce qui provoque de beaux embouteillages et  gêne la visite) qui nous rabâchent sans vergogne, comme s’il fallait nous en persuader, que ce Netter avait un goût très sûr. Comment a-t-il pu acquérir, avec ce goût si sûr, ces Kisling maladroits autant que prétentieux, ce terrifiant nu de Derain, et tout ces oubliés dont j’ai d’ailleurs aussitôt oublié le nom ?  On nous dit qu’ils font partie pour beaucoup d’entre eux de l’Ecole de Paris, c’est apparemment loin d’être un gage de qualité. Vivre et peindre à Montparnasse à l’époque ne signifie pas forcément avoir le talent, la profondeur et la force de Modigliani ou de Soutine.
En définitive, le seul intérêt de cette exposition au titre décidément mensonger est de montrer que l’art médiocre ne fait pas de progrès. C’est payer fort cher pour avoir confirmation de ce qu’on savait déjà.
Mieux vaut donc attendre octobre prochain et l’exposition d’Orsay consacrée à Chaïm Soutine. Il sera exposé sans les autres.

vendredi 4 mai 2012

Contribution citoyenne


Si l’on applique les pourcentages des résultats du dernier vote (premier tour des présidentielles de 2012) à la communauté des artistes, on comprend mieux pourquoi l’art semble tellement malade.
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Les créateurs et leurs œuvres s’enrichissent des frontières traversées, des mariages mixtes et de couleurs mélangées. Certains projets politiques sont donc inenvisageables, à moins bien sûr de souhaiter la fin de l’art.
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Les ministres de la culture ne se prennent-ils pas pour Ministre des Arts ?
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Magnifique titre honorifique (ou horrifique, c’est selon) que celui de Peintre des Armées. A quand celui de Peintre de l’Etat ?
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Un ministre de tutelle ? Très peu pour moi, dit l’artiste.
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Vulgaire décomplexé, des fautes à chaque expression, racoleur et plein de tics, agressif autant que satisfait, démesurément arriviste, montrant ostensiblement son goût pour l’argent, capable pour arriver à ses fins de se fourvoyer dans des terrains peu recommandables.
C’est ainsi que j’ai ressenti le travail de quelques artistes aperçus dans de récents salons.