Concert
impromptu en plein air, ville du sud, l'été : place ombragée, douceur
d'une fin d'après-midi, duo de harpe et de voix claire, on ressent comme une
chance d'être là à ce moment-là. Une famille de pigeons s'envole des arbres, en
applaudissant.
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Effet
contraire : trop d'hospitalité me met mal à l'aise.
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Bien des
gens rencontrés et avec qui je tente d'avoir une conversation ont
apparemment des idées sur tout, des solutions à tout, des réponses à tout.
Qu'ils doivent être heureux, apaisés ! Pour ma part, je n'ai que des
questions, elles-mêmes incertaines et vacillantes, et des propositions, qui ne
valent guère mieux, encore moins devant la surdité qui mure leurs certitudes.
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Le tatouage comme une œuvre d'art ? Je veux bien. Mais je m'interroge sur le vieillissement de l'œuvre (et du support) : quelles techniques de restauration ?
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Le coussin est littéralement et étymologiquement un élément de confort fondamental.
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Quelques
artistes sont passés par mon atelier. Ce qu'ils font n'a aucun rapport avec ce
que j'ai tenté de leur transmettre. Aucun. Je pense avoir fait mon travail.
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C'est l'été, les fenêtres sont ouvertes, les églises pourraient tout de même baisser d'un ton !
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Inutile de demander aux vieux du
coin leur avis sur le temps qu'il fera. Ils ne regardent plus le ciel, mais la
météo à la télé.
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Pourquoi
peignez-vous ? demande-t-on souvent aux artistes, alors que l'on sait que
beaucoup d'entre eux en ont perdu la raison.
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C'est à jour frisant, le matin et le soir, que nous prenons conscience de l'âge dans l'ombre plus profonde de nos rides. Rassurons-nous : c'est à ces mêmes heures que les paysages révélés par la lumière sont les plus intéressants à peindre.
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Esprits,
idoles, dieux en tous genres, énergies positives pour développement
personnel, bonnes paroles, miracles et
amulettes, astres, nombres et cartes de partis : gobe-moucheries pour têtes
baissées.
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En
vieillissant je m'éloigne chaque jour davantage des majorités, des groupes et
des masses. A ce compte, je toucherai bientôt à la solitude de l'horizon et
pourrai m'y allonger.
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Nous sommes,
et c'est encore un lieu commun, bien impuissants face à l'accidentel. Il nous
reste alors à employer notre force pour tenter de trouver l'équilibre entre la
lutte contre l'oubli et le renoncement au passé.
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Il
dessinait, lorsqu'on lui téléphone : je ne te dérange pas ?
Si, je
réfléchissais.
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Partout, des
foules de corps debout au cou cassé vers l'application culte ; devant la
folie Pokémon gardons la tête haute.
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La musique a
précédé la danse, l'art la critique, la lumière la peinture, la mort les
larmes. Mais comment faisait-on, avant ?
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Mon enfance
— son souvenir, plutôt — tient peut-être dans ce morceau de carton plié en deux
ou quatre, selon l'épaisseur, et qui servait, lorsque nous le glissions
en bas, entre le cadre et le vantail de l'armoire privée de serrure et à peine
d'aplomb, à la tenir fermée. Du plus
anodin la mémoire fait œuvre qui s'élargit au monde.
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Je ne suis
pas absolument honnête avec mes élèves : je devrais leur apprendre que
l'art, la création, ne tiennent que sur le drame, depuis toujours, qu'il est
même un critère de reconnaissance et de jugement de la peinture vraie.
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Roman
d'amour, chanson d'amour, lettre d'amour, c'est entendu, mais peinture d'amour,
où, quand, comment, qui ?
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Le
dessinateur empêché pour cause de maladie a été remplacé à la main levée.
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Quand la
nuit porte cauchemars, sont-ils de bon conseil ?
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Soyez sages,
dit-on aux jeunes devant leur inconséquence et leur légèreté.
Restez
jeunes, dit-on aux vieux qui croulent sous le poids de leur raison.
Taisez-vous,
je me débrouillerai.
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