mercredi 3 octobre 2012

journal d’exposition (9)


deuxième dimanche
Un lézard vient d’entrer, il parcourait la plage de soleil qui s’étale loin dans la salle ce midi par la double porte largement ouverte. Il  n’a pas fait la différence entre dehors et dedans. Je suppose qu’il est surpris et attiré par mes couleurs, mais qu’il va me demander bientôt pourquoi ces ombres. C’est normal qu’un lézard craigne les ombres, en tous cas les évite. Il reste longtemps devant un monochrome jaune, cambré, appuyé perplexe sur ses deux pattes avant tendues, puis brusquement avance encore dans la pièce, semblant glisser jusqu’à la toile d’après. Il suit là le même parcours que la plupart des visiteurs avant lui. Se fige à nouveau devant une toile ponctuée d’encre et de bleu. Semble hésiter. Une question? Il est à la limite de l’ombre portée de l’encadrement de la porte. Personne ne me croira si j’affirme l’avoir vu frissonner. Volte face, se reprend, se retend, alerté par les pas de nouveaux visiteurs. Il retrouve en une fraction de seconde et sans mouvement apparent le pavé chaud du parvis. Comme je le comprends.
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Ma peinture n’est pas surréaliste, certains visiteurs, si : elle regarde un de mes grands formats, se tourne vers moi, écarte grand ses bras et me lance, les yeux brillants, dans un large sourire, presque comme en révélation, en une béatitude  : “je vais peindre une grande toile, très grande : des vaches.”
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En tant que visiteur, spectateur, preneur,  l’interprétation d’une toile n’est somme toute que le reflet du fond de soi. Celui de l’artiste est bien ailleurs.