encre et huile sur papier de riz marouflé sur toile, 2014
Y a-t-il lieu de peindre des paysages du fond de soi, endroits de mémoire marqués au fer par en-dedans, fixés où toujours flotteront souvenirs, assez amers pour guider un peintre perdu (oui, je sais : pléonasme), errant parmi les formes dans le grain de la brume, aveuglé par les ombres ? Lieux vifs comme autant d’éclaircies, des lieux imaginés sans être imaginaires, volés de l’île, de la presqu’île, du fleuve ou du presque fleuve, ou d’ailleurs nulle part — l’atelier, par exemple —, vivants par l’espace qu’ils ouvrent dans la toile, mais non-lieux pour dire son monde et le laisser tomber là, là où le ciel se cogne aux roches, où l’écume frappe les lueurs, quand les couleurs se soumettent aux vents.
Des paysages sans suite pour espérer la fin des doutes.
Les non-lieux, inconnus pour chacun, reconnaissables par tous, qui lorsque je les peins me transportent dans les creux et pleins de mes existences, deviennent l’un comme l’autre l’épreuve unique d’une impression sur papier-mémoire, incertaine surface plissée du passage des rires et des silences infinis, vergée autant des airs purs et des souffles violents que de la monotonie paisible des jours — la vie, quoi —, filigranée imperceptiblement au sceau de la fortuité des arrachements et des possibles.
Ce texte accompagnera ma prochaine exposition personnelle (Angers, septembre 2014), intitulée “Non-lieux”.