Non, ce blog n’est pas fermé. Il était dit, dès l’article premier, que la parution des articles serait aléatoire, sans idées préconçues sur les raisons qui pourraient être sources d’irrégularité.
Je préfère ne pas écrire plutôt qu’écrire par obligation. Par ailleurs, ne pas publier d’article ici ne signifie pas ne pas écrire. Je ne ressens pas la nécessité de publier à tout prix, coûte que coûte. Tout ce que j’écris ne trouve pas sa place ici. Bien souvent, les articles de ce blog sont des extraits de textes plus longs, dont la teneur n’est pas destinée, dans sa totalité, à une large diffusion.
Aujourd’hui, c’est grâce à quelques énervements que je reviens à ces billets : entré comme simple visiteur dans deux récentes expositions locales, j’en suis ressorti passablement irrité. Peu importe le nom des artistes exposés, seul compte l’état d’esprit affligeant qu’ils représentent.
Dans la première, à peine le seuil passé, je suis malgré moi transformé en client, en acheteur potentiel, et en sujet de sondage. La personne assise à l’accueil est sans doute l’artiste, et elle doit absolument rentabiliser la location de la salle, ses affiches, ses invitations, son cocktail de vernissage, ses beaux cadres vernis. Pour cela elle est prête à tout et je la soupçonne de regretter de n’avoir pas suivi dernièrement un stage de marketing. “Si je peux vous renseigner”… me dit–elle, et sans attendre que je réponde, elle me renseigne déjà. C’est parti pour une logorrhée déversant tous les lieux communs proférés habituellement par les vendeurs et vendeuses des magasins de chaussures ou de prêt-à-porter. Avant que je lui demande quoi que ce soit (ce que je ne comptais d’ailleurs pas faire), je sais tout de son parcours, des buts de son travail, de la technique qu’elle emploie, tout.
J’espérais seulement flâner à mon gré dans cette exposition, rester un long moment, ou bien partir dans les cinq minutes, et me voilà donc accroché comme un chaland. On me propose des facilités de paiement, des formats abordables si mon budget est limité, la livraison à domicile, et bien d’autres prestations. L’artiste se sent obligé de (se) vendre et ne recule devant aucune (grossière) ficelle. On me demande enfin de quelle commune je viens, qui m’a informé de cette exposition, voie de presse, publicité, etc.
Je ne prendrai donc pas la peine de commenter, d’analyser sa peinture. Son attitude mercantile, sa cupidité affichée, m’ont poussé vers la sortie. Que l’artiste facilite l’achat de ses œuvres une fois le contact établi avec son “client”, cela s’entend. Qu’avant même tout regard posé sur le travail, il oriente son visiteur vers des considérations pécuniaires, c’est détestable.
Dans la deuxième, je voulais confirmer ou démentir l’impression laissée par l’affiche aperçue en ville. Je confirme : peinture flatteuse, entre du de Staël dilué et coulant et du Debré encombré, à la composition finalement pauvre, habile mais facile, la croix oblique légèrement décentrée, le rapport des surfaces se densifiant à l’intersection, le contraste chromatique et tonal attendu ; artiste-suiveur, comme il y aujourd’hui pléthore de sous-Dubuffet, de sous-Chaissac, de sous-Basquiat, de sous-Rothko, etc.). Avec tout de même, pour tenter de donner un semblant de style personnel, quelques traces graphiques, sans doute au pastel gras, aux formes aléatoires, mais qui n’engagent à rien.
Ce qui peut arriver de pire à la peinture : qu’elle n’engage à rien.
Encore quelqu’un qui exploite les palettes faciles et les déjà-vus-mille-fois picturaux. Encore quelqu’un qui “fait de l’abstrait” en le criant haut et fort, mais qui le fait par défaut, et de manière purement décorative : la surface compte plus que le fond.
Le mensonge qui sue de ses jolies toiles à l’esthétique irréprochable, parfaites pour le salon, me suggère en vérité que ses œuvres ont été peintes dans le seul but d’être vendues. Cela ne serait pas bien grave si, en ce moment, ce courant d’art à vendre absolument n’était aussi répandu. Très édifiante fut la lecture, sur le fameux site Artrinet, de la classification de l’artiste en question, et des artistes de la même famille. Une famille nombreuse, d’ailleurs, un grand tiroir, une grande uniformité.
Ce qui peut arriver de pire à un artiste : qu’il ne veuille pas se sentir seul.
Mon retour à la peinture des autres commence fort mal. Ou fort bien, puisque la colère revient.