samedi 9 juillet 2011

Double sens

vers l'avantVers l’avant

encre sur papier de riz marouflé sur carton marouflé sur toile. Env 40 x 30 cm, 2011

Pour que la peinture retrouve sa place, son évidence, sa fluidité dans mon temps personnel, il me faut aller vers l’avant. C’est-à-dire autant vers des projets que vers des souvenirs. Aller vers l’avant, c’est à la fois se retourner, regarder la vie passée, puiser dans ses richesses et ses troubles, dans ses questions non résolues et, puisqu'il faut avancer, réengager la réflexion, s’arracher à l’immobilité. C’est parler toujours aux absents, aux manquants, aux perdus, aux déchirures, afin qu’ils m’accompagnent vers un horizon et des points de fuite moins figés. Que les fantômes me proposent des chemins. C’est se secouer de ses frissons, envisager, espérer la découverte, projeter et se projeter. D’un côté ou de l’autre, dans un sens ou dans un autre, c’est une violence.

Aller vers l’avant, c’est désembuer sa vision, à nouveau plisser les yeux, s’ils sont secs, pour tenter de mieux percevoir l’ensemble, les contours, les couleurs, et peut-être rire. Il faudrait remettre l’horizon en mouvement, pour à nouveau ne jamais le rejoindre, comme avant, quand nos curiosités emportaient tout sur leur passage. Il faut, tu dois, tu devrais, il faudrait… Tu parles ! Malgré des tentatives pour suivre ces conseils d’amis, cette foutue ligne bouge à peine, à grand peine, elle barre le passage, et le temps reste une immense faute de concordance.

Aller vers l’avant, c’est ne rien oublier de son histoire, l’observer encore d’un peu plus près. Regarder vers avant.

C’est peindre à nouveau, du nouveau, reprendre les toiles interrompues, c’est peindre de mémoire, pour mémoire, en mémoire. Véritable antinomie qui sous-tend les idées, les intentions et le travail, Vers l’avant est aujourd’hui le titre d’une encre récente que je ne cèderai jamais à personne. Ce sera peut-être aussi celui d’une prochaine exposition, celle qui me fera sortir de l’atelier, mais avec d’infinies précautions, en regardant dans toutes les directions avant d’oser traverser.

Hier, un terreau pour demain.