mardi 4 octobre 2016

Idées courtes #20





Concert impromptu en plein air, ville du sud, l'été : place ombragée, douceur d'une fin d'après-midi, duo de harpe et de voix claire, on ressent comme une chance d'être là à ce moment-là. Une famille de pigeons s'envole des arbres, en applaudissant. 



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Effet contraire : trop d'hospitalité me met mal à l'aise.



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Bien des gens rencontrés et avec qui je tente d'avoir une conversation ont apparemment des idées sur tout, des solutions à tout, des réponses à tout. Qu'ils doivent être heureux, apaisés ! Pour ma part, je n'ai que des questions, elles-mêmes incertaines et vacillantes, et des propositions, qui ne valent guère mieux, encore moins devant la surdité qui mure leurs certitudes.


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Le tatouage comme une œuvre d'art ? Je veux bien. Mais je m'interroge sur le vieillissement de l'œuvre (et du support) : quelles techniques de restauration ?



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Le coussin est littéralement et étymologiquement un élément de confort fondamental.



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Quelques artistes sont passés par mon atelier. Ce qu'ils font n'a aucun rapport avec ce que j'ai tenté de leur transmettre. Aucun. Je pense avoir fait mon travail.



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C'est l'été, les fenêtres sont ouvertes, les églises pourraient tout de même baisser d'un ton !



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Inutile de demander aux vieux du coin leur avis sur le temps qu'il fera. Ils ne regardent plus le ciel, mais la météo à la télé.


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Pourquoi peignez-vous ? demande-t-on souvent aux artistes, alors que l'on sait que beaucoup d'entre eux en ont perdu la raison.



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C'est à jour frisant, le matin et le soir, que nous prenons conscience de l'âge dans l'ombre plus profonde de nos rides. Rassurons-nous : c'est à ces mêmes heures que les paysages révélés par la lumière sont les plus intéressants à peindre.



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Esprits, idoles, dieux en tous genres, énergies positives pour développement personnel,  bonnes paroles, miracles et amulettes, astres, nombres et cartes de partis : gobe-moucheries pour têtes baissées.



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En vieillissant je m'éloigne chaque jour davantage des majorités, des groupes et des masses. A ce compte, je toucherai bientôt à la solitude de l'horizon et pourrai m'y allonger.



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Nous sommes, et c'est encore un lieu commun, bien impuissants face à l'accidentel. Il nous reste alors à employer notre force pour tenter de trouver l'équilibre entre la lutte contre l'oubli et le renoncement au passé.



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Il dessinait, lorsqu'on lui téléphone : je ne te dérange pas ?

Si, je réfléchissais.



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Partout, des foules de corps debout au cou cassé vers l'application culte ; devant la folie Pokémon gardons la tête haute.



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La musique a précédé la danse, l'art la critique, la lumière la peinture, la mort les larmes. Mais comment faisait-on, avant ?



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Mon enfance — son souvenir, plutôt — tient peut-être dans ce morceau de carton plié en deux ou quatre, selon l'épaisseur, et qui servait, lorsque nous le glissions en bas, entre le cadre et le vantail de l'armoire privée de serrure et à peine d'aplomb, à la tenir fermée.  Du plus anodin la mémoire fait œuvre qui s'élargit au monde.



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Je ne suis pas absolument honnête avec mes élèves : je devrais leur apprendre que l'art, la création, ne tiennent que sur le drame, depuis toujours, qu'il est même un critère de reconnaissance et de jugement de la peinture vraie.



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Roman d'amour, chanson d'amour, lettre d'amour, c'est entendu, mais peinture d'amour, où, quand, comment, qui ?



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Le dessinateur empêché pour cause de maladie a été remplacé à la main levée.



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Quand la nuit porte cauchemars, sont-ils de bon conseil ?



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Soyez sages, dit-on aux jeunes devant leur inconséquence et leur légèreté.

Restez jeunes, dit-on aux vieux qui croulent sous le poids de leur raison. 

Taisez-vous, je me débrouillerai.

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