lundi 13 mars 2017

Idées courtes #21





Autrement dit, c'est en peignant que l'on devient apprenti.




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A chacun son objectivité.




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Très tôt dans ma carrière, j'ai reçu le titre honorifique de peintre désarmé. Mais aujourd'hui encore, cela n'est pas officiel.




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L'île, mon autre atelier.




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Les liaisons malheureuses cent-z-euros et vingt-z-euros fusent partout depuis l'apparition de notre nouvelle monnaie. Grande surprise l'été dernier, au marché, d'entendre annoncer le kilo de tomates-cerises à cinq-z-euros. Le prix de la langue est en baisse.




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Pratiquer un art, goûter un art, c'est se consoler du monde.




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L'importance d'un évènement se mesure au pouvoir qu'il a de poser désormais le présent, jusqu'alors chargé d'avenir, en équilibre vacillant sur le passé.




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Dans la peinture, le contour, ce que j'appelle le bord (de la forme, de la couleur, etc.), marque peut-être l'incertitude (une certaine incertitude). Et c'est pourquoi la matière vit.




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Que ceux qui ont du temps à perdre ne gaspillent pas celui qu'il me reste. Sinon, que pourrais-je offrir à ceux qui en manquent ?




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Les hantises n'ont pas l'exclusivité sur la nuit.




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Dans l'annuaire du téléphone, tous les hommes sont égaux. Enfin, ceux qui ont le téléphone.




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Bien dans l'air du temps, je travaille en résidence.

Dans mon atelier.                   

In situ.

Extrêmement sensible aux enjeux contemporains, je construis des dispositifs fort élaborés nourris de signifiants transgressifs, questionnant indirectement la place du manuel dans la pensée du monde : des  tasseaux de bois de pin de 20 x 45 mm assemblés pour former des rectangles sur lesquels je viens pointer une étoffe de lin enduite. En y appliquant des pâtes colorées, en convoquant sur le plan des éléments formels et chromatiques, puis en verticalisant l'ensemble, je propose in fine au regardeur une expérience sensorielle (sonore et visuelle) unique : interroger en silence mon univers plastique.



J'attends une réponse favorable à ma demande de subvention.  




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Qui se dévouera pour composer un hymne aux rabat-joie ?




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Pour Geneviève Asse la peinture c'est trois pas en avant, deux en arrière. J'en suis, pour ma part, à deux en avant et trois en arrière. Ou l'art de prendre du recul.




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Les meilleurs peintres sont les plus grands menteurs.




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L'état labile de la peinture qui se fait est un gage de mouvement et d'évolution. L'enjeu consiste à savoir en profiter.




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Je n'aime pas le théâtre exigeant, on y tousse trop.




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L'atelier, mon autre île.







Il suffit qu'un footballeur meure pour que tous les matches du lendemain soient précédés d'une minute de silence en son hommage, évènement relayé par toutes les radios et télévisions. Dans la seconde d'après, tout est oublié, on retourne à la grande foire. Sait-on que les peintres, dans le clos de leurs ateliers, rendent parfois jusqu'à 540 hommages par jour à leurs maîtres disparus sans que personne n'en soit jamais informé ? Ce calcul est basé sur une journée de travail moyenne d'environ 9 heures et ne prend pas en compte les artistes insomniaques.

Et cette mémoire ne s'éteint jamais, ainsi que leur silence.




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L'anonymat des "sans-titre"



  
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« Ordinaire ou suivi ? » me demande la bien peu avenante guichetière du petit bureau de poste en posant sur la balance l'enveloppe contenant mon tapuscrit des Idées courtes, adressé à un éditeur dont j'ose espérer un retour favorable. Ma réponse la renfrogne un peu plus (« ordinaire, s'il vous plaît ») et lui fait aboyer : « il y a des valeurs, dedans ? »

Ne voulant pas paraître inconstant, j'ai répondu par la négative.




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