mercredi 14 novembre 2012

En toute prétention

 

Les paroles prononcées lors du vernissage de ma dernière exposition font encore des vagues, deux mois plus tard, dans le petit monde du barbouillage angevin (voir article ici). Ce soir-là, au milieu d’un long exposé destiné à donner un historique et des propositions de lectures de mon propre barbouillage,  j’avais fait  part publiquement mais en quelques mots seulement de mes interrogations concernant les modalités d’attribution de l’espace, questionnant (gentiment) les choix artistiques de la commission municipale en charge de la programmation. Malheureusement, certains n’ont retenu que cela, alors que l’essentiel était bien ailleurs.  Ce billet fournira donc à ceux-là davantage de grain à moudre dans leur moulin à paroles. A priori, le fonctionnement est le suivant : l’artiste souhaitant exposer dans ce lieu (très beau au demeurant) doit adresser un dossier de candidature,  sachant que la salle est octroyée, moyennant finances, par périodes de 10 jours et que l’artiste prend également à sa charge les frais d’installation, d’affichage, de publicité, de vernissage, d’assurance, de gardiennage.  La commission se réunit de temps  en temps pour statuer d’exposer untel ou untel, et établir le calendrier des locations. Premier point : y a-t-il  dans cette commission quelqu’un pour veiller, à partir de leur dossier, au statut des exposants, et pour informer les candidats ignorants (volontairement ?) de l’existence des textes légaux concernant la pratique amateur  et la vente d’œuvres ?   Deuxième point : cette municipalité cherche apparemment à donner une réputation à ce lieu (sinon pourquoi une telle commission ?) ce qui est fort louable, mais aussi j’imagine, et cela se comprend, à rentabiliser les investissements. Je confiais d’ailleurs (gentiment) aux élus présents ce soir-là “espérer ne pas faire honte au lieu en venant l'habiter 15 jours”.  Rechercher la qualité et récolter un peu de finances : cette ambivalence est peut-être une explication de la sélection discutable des exposants, dont certains à mon avis (j’ai bien le droit d’avoir un avis) tirent le niveau plutôt vers le bas ou n’ont pas la légitimité (c’est avéré) pour prétendre vendre leurs œuvres. On aimerait savoir qui siège dans ce groupe de travail, et si un tel collège sait s’entourer de conseillers compétents. Je crois qu’une réputation se fait au prix de l’exigence (je n’ai pas dit : de l’élitisme). Troisième point : dans cette programmation figurent certains artistes (le mot est fort)  invités par la municipalité, bénéficiant sans doute du privilège de la naissance ou de la résidence dans la bourgade (cela ne donne pas nécessairement le talent), ce qui, j’imagine, les dispense de tous les frais cités plus haut et de voir leur dossier passer devant cette fameuse commission. Et on en profite pour se faire remettre des prix bidons par des copains, comme cela se fait partout et depuis toujours, sous l’œil bienveillant d’une presse locale… empressée. Peu importe donc si ce qu’ils exposent est à la peinture ce que ma cuisine est à la gastronomie. Et si d’un côté mes gentilles petites questions (perfides, dit-on)   font parler certains, d’un autre ces piètres expositions font enfler une rumeur évoquant une programmation inégale dans une belle salle sous-employée… Chacun entend les bruits qu’il veut, n’est-ce pas ?  Alors oui, je persiste à signer mes paroles du vernissage, dans lesquelles ma seule prétention était d’espérer voir dans ce lieu rénové et dédié aux artistes des expositions dignes de la qualité de son espace, me disant que si cela jase autant depuis, c’est que j’ai peut-être (gentiment, pourtant) touché un point sensible. 

lundi 12 novembre 2012

Etat civil

 

Hasard ou coïncidence des programmations artistiques récentes, je viens de visiter en quelques semaines les expositions consacrées à Soutine à l'Orangerie et à Rebeyrolle à Chambord, ce qui m’a amené à réfléchir à la filiation des artistes :  curieusement, dans ce domaine de la parentalité artistique, ce sont plutôt les enfants qui tendent à reconnaître, parfois,  leurs géniteurs. Rembrandt, Chardin, Soutine, Bacon, Rebeyrolle : une généalogie évidente, et reconnue, voire revendiquée par les artistes eux-mêmes.

Dernier hasard en date, je découvre il y a peu plusieurs Otages de Fautrier, exposés au Musée d'art moderne de la ville de Paris dans le cadre de la passionnante, copieuse et souvent poignante exposition “l'art en guerre”. Ce peintre fait partie de cette même lignée citée plus haut dont Barceló, (dont j'aimerais qu'une autre coïncidence me permette de revoir bientôt les œuvres), est un des descendants directs. (Quelle émotion alors de relire au retour le texte Note sur les otages de Fautrier de Ponge.)

Il est tentant et utile parfois d’approcher l’histoire de l’art par l’angle de la parenté artistique. Reste à déterminer ce qui est influence, transmission, emprunt-mais-ça-reste-dans-la-famille, etc.

Je me souviens (les méandres de l’esprit) d'une conversation ancienne avec un artiste notoire à qui je demandais innocemment s'il avait rencontré Clavé, frappé que j’étais par la ressemblance de certaines œuvres des années soixante de l’un avec certaines des années quatre-vingt-dix de l’autre. M'a assuré que non, balayant rapidement le sujet. Je n’en ai jamais pensé moins.

Certains artistes revendiquent l’orphelinage, ou n’affichent aucune reconnaissance envers leurs parents d’art. En revanche, ils savent profiter pleinement de l’héritage.