dimanche 29 novembre 2015

idées courtes #16



Dans l’écriture, éviter autant que possible l’injonction détestable de l’infinitif.

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Pléonasme, encore un : art de vivre

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Automne : des arbres rougissent sous notre regard espérant les voir nus. Puis ils cèdent.

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Caché sous les mots, un être. Soyons prudents.

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Comment le dessin, reconnu autrefois comme nécessaire propédeutique de l’art, a-t-il pu devenir aussi contingent, comment a-t-il pu être déchu de la sorte de ses droits parentaux ?

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Le geste de l’artiste, n’est-il pas pour la planète ?

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Les écrivains qui utilisent leur propre histoire comme sujet seraient-ils donc plus indécents que tous ces gens, même inconnus, qui nous imposent, à peine les rencontrons-nous, le récit de leur vie entière, de leur dernière visite chez le médecin ou à l’hôpital, se plaignent de  leurs vieilles douleurs ou bien déversent sans vergogne, en nous tenant serrés dans le filet de leur logorrhée, la vie de leur belle-fille ou de leur vieux père sans rien négliger des détails scabreux ?
Personne n’est forcé de lire.

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Un don, la peinture  ? Oui, seulement si on l’expose.

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Je vis encore à l’âge de l’encre et du pinceau.

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L’écrivain en quête d’éditeur ne ferait-il pas mieux d’envoyer d’abord son tapuscrit aux critiques ?

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La peinture comme consolation face au monde

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Je m’aperçois que l’ami qui vient de me prêter un livre l’avait truffé d’annotations. En  lisant, me voilà comme si je fouillais dans ses affaires. Et mon ami devient le sujet.

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Dessiner au pied levé

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Négociation pour une toile : “Mon prix sera le tien”, dit l’artiste.

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Je dessine encore et encore et toujours et encore sur des papiers à entêtement.

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L’averse est passée. Il suffit pourtant d’un léger coup de vent et l’arbre inconsolé se remet à pleurer.

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Dessiner à l’œil nu ou le croquis naturiste.

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A voir autant de jeunes installés, aigris, empâtés et revenus de tout (mais pas tous, loin de là) et autant de vieux fringants, galopants, curieux et animés (mais pas tous, loin de là), on est en droit de regretter que les  cartes de réduction de la SNCF ne soient pas délivrées sur des critères d’âge mental ou comportemental.
(Je viens d’ailleurs d’adresser une demande de carte 18-27, très argumentée.)

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Signer sa toile, c’est admettre son impuissance, laisser tomber, baisser les bras, abandonner, et le dire. Beaucoup signent bas et fort. Pour ma part, honteux peut-être d’un tel aveu, je signe au dos.

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Dernièrement, on m’a convié à une petite taiserie. J’y ai beaucoup appris.

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vendredi 20 novembre 2015

Bois debout

 

Belle contradiction faisant mystère que je ne me lasserai pas de fréquenter du regard : haute et droite dans l’espace,  la sentinelle flottée gardienne des souvenirs indéchirables, désormais debout et tranquille,  portant au ventre l’enveloppe des gonflements fracassés de la mer en humeur mauvaise, l’écume aux lèvres des houles, veille au grain calme, apaisant les mémoires ventées de son bois presque minéral craquelé fendu fissuré faïencé mais à toute épreuve, sauvé par l’artiste des vases salées d’un cimetière marin. Il l’a relevée, maintenant verticale comme un trait vif coupant l’air sans le blesser qui arrête l’œil de son point blanc ficelé et nous offre par là toutes les voies de récits. Un ballot d’histoires d’hommes et d’océans, un cœur de voyage palpitant à chaque nouveau regard enfermé là dans la terre blanche où chacun puisera ses propres lieux d’aventures. Ruisselants des embruns de nos histoires, nous ne sècherons jamais tout à fait.

paquet de mer copie

Patrice Lebreton,  Paquet de mer

bois, métal, porcelaine et ficelle,  200 x 20 x 5 cm environ, collection privée. 

(Œuvre reproduite avec l’aimable autorisation de l’auteur)