mardi 23 février 2016

idées courtes #17



Comment peindre une mer d’huile à l’aquarelle ?

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Moi qui cherchais depuis si longtemps une raison à ma méfiance envers le théâtre, je viens de lire la comparaison que faisait Giacometti entre  la messe et la représentation d’une pièce.

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CQFD (ce qu’il fallait dessiner)

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Pour qu’un paysage devienne une image, il faut l’avoir vécu.
Pour qu’une image devienne un paysage, il faut l’avoir arpentée.

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La crainte d’être maladroit rend maladroit.

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Ne souhaitant aller plus loin, ni ailleurs, le peintre satisfait est un artiste foutu.

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L’anecdote comme lieu de perdition

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Le miroir ne nous renvoie rien d’autre que l’image d’un regret immense et définitif, celui de ne pas nous voir une seule fois dans notre vie tel que les autres nous abordent, c’est-à-dire à l’endroit et dans notre épaisseur. Nous ne ferons jamais notre connaissance.

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Le croquis est esthétique dès lors que l’artiste ne l’a pas voulu.

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Il faudrait voir ses mains, elles disent bien qui il est, elles sont bien ce qu’il dit.

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La pierre lithographique est un palimpseste perpétuel et calcaire.

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Une œuvre s’aborde et se goûte seul ; aussitôt que l’on comprend qu’elle est d’art, on se sent accompagné.

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Possible conséquence désolante de l’anosmie : si un jour l’incendie emporte mes souvenirs, il ne me restera même pas l’odeur de leurs cendres.

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Alors que l’on tente d’écrire en pesant chaque mot, chaque phrase, le lecteur dévore et s’empiffre. Cela peut être décourageant, sauf si l’on pense que le soin que l’on apporte au texte lui évite de s’étouffer.

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J’ai toujours vécu des moments difficiles sur les fauteuils des coiffeurs et coiffeuses. Dernièrement, l’une d’elles a voulu faire œuvre de bonté en permettant à des rapins d’accrocher dans son salon ce qu’elle appelle joyeusement des tableaux. Il lui a été impossible de me coiffer, mes cheveux étant irrémédiablement dressés, terrifié que j’étais par ces badigeons indigents multipliés à l’infini par les miroirs et qui me hurlaient aux yeux. Je fréquente maintenant un salon qui diffuse ce que sa propriétaire nomme de la musique.

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Polir et dégraisser la plaque de métal d’une pommade au blanc d’Espagne, apprêter la toile ou le panneau, couper, tendre ou maroufler son papier, grainer la pierre lithographique aux sables clairs, mêler les pigments aux liants, dissoudre le bâton dans le creux de la pierre ou préparer les densités de son encre,  autant (au temps ?) d’entrées en matières.
Moments liminaires nécessaires qui feront naître l’idée ou préciseront la vision, gestes qui susciteront une pensée, et sans doute une destination. Préservons-les, ces gestes, entretenons-les, transmettons-les.

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Alerte orange aux intempéries : les vents du souvenir risquent de soulever des larmes de fond. Les autorités recommandent de ne pas rester chez soi.

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En art, la démonstration n’est pas un enseignement, sauf pour ce qui concerne les gestes artisanaux (voir plus haut). Enseigner, ce n’est pas encourager l’imitation, on ne forme pas des suiveurs, il en court suffisamment.

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Qui est l’auteur de nos rêves ?

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Un peintre français qui parle l’espagnol est par conséquent trilingue.

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