mardi 2 octobre 2012

journal d’exposition (7)


vendredi
On m’avait assuré voici quelques jours d’un article dans un des deux journaux locaux pour ce matin. Rien. On m’apprend que la parution en est reportée (en principe) à mardi prochain, soit 5 jours avant la fin d’une exposition qui en durait quinze et dont le dossier de presse a été adressé aux rédactions trois semaines avant le vernissage. Dans l’autre feuille, je n’espère pas mieux. Reste une solution, en désespoir de cause, pour faire parler de moi: aller m’immoler par le feu devant les locaux des journaux en question. Cela aurait l’avantage d’être spectaculaire, je pourrais presque faire passer cet acte pour une performance artistique, un happening. Autre avantage, pour les journalistes cette fois, c’est qu’ils n’auraient pas à se déplacer.
Si du monde franchit le seuil de l’exposition, ce n’est vraiment pas grâce à la presse locale.
Est-ce se tirer une balle dans le pied que de se plaindre d’un mauvais traitement, d’un mépris de la part de la presse, alors que quelques jours plus tôt, l’incontournable machine de l’annuel festival de rue archi-subventionné occupait tous les points d’affichage et toutes les pages des journaux ? Avant, pendant, après. Aux grands moyens les grands articles. La semaine suivante, le Patrimoine s’en mêle. On ne rivalise pas. Oui, je sais, j’entends :  pour qui se prend-il à penser que son exposition est un évènement si important qu’il mériterait autant de couverture médiatique ? Si cette remarque vient, c’est qu’on n’aura rien compris. Je ne demande en effet rien de plus qu’un minimum d’objectivité rédactionnelle. Une demi-page sur la zumba dans un quotidien qui dit manquer de place à cause d’une actualité trop chargée, cela questionne quelque peu. 
Mais assez de pleurnicheries, assez d’aigreurs, d’ulcères, d’amertume, l’essentiel est de se consacrer ici aux visiteurs curieux, perspicaces et sensibles. Pas de flatterie là dedans, pas d’obséquiosité non plus si je  les remercie pour leur long regard sur mes toiles. Seulement de la sincérité.
L’essentiel est aussi de peindre, j’y retourne bientôt, vivement l’atelier. Ayant déjà quelques visions des prochaines encres, je répète dans l’espace de la salle,  à blanc, quelques mouvements qui coucheront l’encre. Une visiteuse me surprend en pleine gestuelle sur un papier imaginaire posé au tapis dans un atelier fictif, et doit s’interroger sur ma santé mentale.
Vivement ma solitude retrouvée, mon travail à l’abri, fendu des gris de l’encre, au repos de mes sols tachés, sous le couvert des murs éclaboussés, des frottements, tintements, coulées  sonores et, si je me souviens bien, odorantes,  des pinceaux de bois creux.