mardi 2 octobre 2012

journal d’exposition (8)

 

deuxième samedi

Parmi les chuchotements des visiteurs, j’attrape de loin en loin des mots en morceaux, des éclats émoussés de voix murmurées

…tellectuel,

ténébreuse…

lumière… pas de ça chez

…comprends rien … quilibré

…lligraphie

ça jase et discute en amorti, suppose délicatement, on y voit des mystères qu’on veut éventrer, on y soupçonne des secrets qu’on aimerait éventer, on veut simplement rester discret

….uptif … ça bril…

dommage que… ogorrhée…

pas spontané…

omposé/construit

…veut dire quoi ?

… pas cette toile

point fort… trinité

Entendu de loin. J’aimerais savoir plus de ces traits de confidences, ou bien ne rien entendre, être ailleurs, à l’atelier ce serait le mieux, laisser ici l’espace à d’autres, gardiens de toiles pendues, et moi retourner peindre en avant alors que l’on regarde mes arrières accrochés sur les murs pâles.

…rait du sang… rouflé

…touché… égouline,

nutile… de la colle

oppressé …mais vu…

profondeur

les mots soufflés aux murs ou à son voisin évoquent  ce qui vient en premier, ce qui préside au renvoi vers soi, ce qui atteint le tain.

…ômes et des ombres,

vendu ?…

…termine quand ? 

pourquoi rouge…

…vous plaît ?

je réalise que c’est à moi que l’on  s’adresse cette fois. Je tente de dissiper mes pensées dissipées, de revenir au présent, j’ébroue la discordance des temps et des lieux —être là autant qu’à l’atelier— et  retourne à mes visiteurs qui souhaitent réserver une toile.